Geneviève Cadieux | Wild is the wind

2024 | GENEVIÈVE CADIEUX
WILD IS THE WIND
MONTRÉAL
12 sept - 22 oct 2024



Geneviève Cadieux - Le lieu de l'esprit, 2024
Impressions numériques sur papier Canson, relevées à la feuille d’or, à la feuille de paladium et aux feuilles colorées d’argent / Digital print on Canson paper, enhanced with gold leaf, paladium leaf and colored silver leaves.

Blouin Division se ravit d’accueillir Wild is the Wind, une exposition présentant les nouvelles œuvres de Geneviève Cadieux.

Comment faire voir les passions, sans passer par la représentation des êtres qui en sont affectés ? Quelles images pourront incarner le souffle qui nous anime, le flux de nos pensées, les émotions qui nous agitent ? Par quels chemins visuels le désir peut-il se mouvoir en moi et me mouvoir ? Avec l’exposition Wild Is the Wind, Geneviève Cadieux nous invite à l’exploration inédite d’un territoire à la fois intime et insondable, qu’elle nomme « le lieu de l’esprit ». Aucune Carte du Tendre ne peut nous aider à naviguer en de telles contrées qui se dérobent à toute capture : il faut plutôt se livrer soi-même à la force magnétique de quelques emblèmes, phrases, échos et flashes lumineux, qui nous guideront telles des boussoles.

Voici l’œuvre textuelle Corps aimé (2024) qui déroule ses lettres en relief sur toute la longueur d’un mur. « Mon corps souviens-toi combien tu fus aimé ». Injonction de l’esprit qui s’adresse au corps, la citation empruntée au poète grec Constantin Cavafy se laisse déchiffrer à mesure que notre propre corps se déplace dans l’espace de la galerie. En nous faisant marcher dans la phrase comme dans un paysage, l’œuvre éveille la mémoire du corps voluptueux. Elle invoque aussi le souvenir d’une œuvre antérieure de Cadieux, Abandon (2015), pièce sonore sans image dans laquelle une voix féminine – celle de la sœur de l’artiste – faisait résonner le poème incandescent dans l’espace intime d’une alcôve.

En contrepoint, les nouvelles séries photographiques Lieu de l’esprit (2024) et Fragments d’esprit (2024) déploient les images stupéfiantes d’un cerveau humain et de tissu cortical vivant, transfigurées en buissons ardents et vibrants par l’application de feuille d’or, de palladium et d’argent coloré, puis démultipliées et amplifiées jusqu’à évoquer un essaim d’étoiles filantes, quelque galaxie lointaine, une parcelle d’univers. Dans les mots de l’artiste, « je me suis intéressée intuitivement aux concordances et aux rapports poétiques entre le cerveau humain et le cosmos, comme espaces les plus inconnus pour l’esprit humain. » Tout comme l’approche sculpturale du texte, celle, quasi picturale, de l’imagerie médicale sollicite non seulement notre regard, mais elle implique notre corps tout entier devant les images. Corps mouvant. Caressant.

Si les nouvelles œuvres se tournent vers une forme d’intériorité inédite, il s’agit bien toujours, chez Cadieux, d’écrire une histoire visuelle des passions. Depuis quarante ans, son travail photographique nous a ainsi révélé la surface sensible de l’épiderme comme on développe une pellicule argentique, il a magnifié les ecchymoses du corps à l’échelle de ciels crépusculaires et fait apparaître des paysages désertiques comme lieux du saisissement optique et de l’abandon du corps. Aujourd’hui encore, un désir fiévreux de faire image traverse de part en part le lieu invisible et informe de l’esprit. And wild is the wind, dit la chanson, for we’re like creatures of the wind, for we’re like creatures in the wind.

Ji-Yoon Han